Retour à Reims [Fragments]

 

Reproduction sociale, inégalités, mal-être des classes populaires. Dans Retour à Reims, publié en 2009, Didier Eribon racontait notre société excluante. Jean-Gabriel Périot adapte ce récit autobiographique dans un documentaire percutant. « C'est comme s'il y avait une étanchéité presque totale entre les mondes sociaux », lit Adèle Haenel. Les mots de la comédienne, déclamant avec justesse des «fragments » du livre du philosophe et sociologue, s'entremêlent à ceux des archives cinématographiques et télévisuelles qui constituent le film.

À travers la vie des parents de Didier Eribon, on entrevoit celle de milliers d'ouvriers français qui subissent un quotidien difficile. L'un d'eux raconte l'aliénation du travail à la chaîne : « Quand tu nas pas parlé pendant neuf heures, tu as tellement de choses à dire que tu n'arrives plus à les dire. J'ai peur de devenir muet. » « Peut-être que les
jeunes seront moins bêtes que nous un jour », lâche une employée d'usine, désespérée. Elle n'a jamais pris de vacances, comme nombre de ses collègues. Jean-Gabriel Périot montre avec sensibilité la vie de la classe ouvrière et l'évolution de sa conscience politique. D'abord proche du Parti communiste, ce groupe social se délite peu à peu et certains de ses membres se tournent alors vers le Front national, seul parti qui, selon eux, comprendrait leurs problèmes. Dans une époque marquée par le chômage et l'arrivée d'immigrants, le racisme commence à  se distiller dans les esprits. Parfois bouleversant, Retour à Reims [Fragments] analyse avec finesse la structure de la classe ouvrière française.

 

Kilian Orain
La Vie
18 novembre 2021